En 1932 disparaissait tragiquement le journaliste et écrivain Albert Londres. Reporter de terrain, l’homme a parcouru le monde pour enquêter, alerter, dénoncer. À sa mort, il a laissé derrière lui l’héritage du journalisme offensif, un prix éponyme et une quantité de documents historiques. En 2022, à l’occasion des 90 ans de la disparition du reporter, le Prix Bayeux Calvados-Normandie propose une exposition-événement autour de son œuvre et plus particulièrement ses photos, méconnues voire inédites.

D’écrivain à photographe

Albert Londres naît à Vichy en 1884. Très tôt, il développe un goût prononcé pour la lecture et la poésie. À dix-huit ans, il monte à Paris où il publie un premier recueil de vers et commence à travailler pour le Salut public, journal lyonnais disposant d’une antenne dans la capitale. Quelques années plus tard, Albert quitte l’équipe du quotidien littéraire pour rejoindre celle du Matin, l’un des grands quotidiens de l’époque. D’expérience en expérience, le poète devient journaliste et le journaliste reporter de guerre. C’est en 1914 qu’il acquiert, un peu par hasard, ce statut. Alors journaliste politique, il interview Jean Jaurès le 31 juillet, quelques heures avant son assassinat. En septembre de la même année, il est envoyé en reportage dans la Marne, au plus près des poilus. À Reims, il assiste au bombardement d’un symbole du royaume de France : seul reporter sur place, son article sur la Cathédrale en flamme lui offre sa première « Une » signée. Comme l’écrit Benoît Heimermann* dans son ouvrage Albert Londres, La plume et la plaie, « il y a un avant et un après « cathédrale de Reims » dans la carrière de Londres ». Le reporter de guerre est né. Les années qui vont suivre vont l’emmener aux quatre coins du monde. Pour Le Petit Journal d’abord, puis L’Excelsior ou Le Petit Parisien. Albert Londres dénonce les injustices et les mauvais traitements. Ses sujets de prédilection sont multiples : les bagnes de Cayenne et Biribi, le sort réservé aux travailleurs d’Afrique noire, aux juifs de Palestine, aux prostituées de Buenos Aires… Par l’écrit, il dénonce. Par l’image, il prouve. Comme tous les reporters de presse écrite, il est accompagné d’un dessinateur-photographe. Jusqu’au jour où il saisit lui-même l’appareil. Plus connu pour ses écrits que pour ses photos, Albert Londres a pourtant laissé un nombre important de documents iconographiques, illustrant ses enquêtes. Certains ont été publiés, d’autres seront exposés pour la toute première fois, à Bayeux.

Des photos inédites

Créée spécialement pour le Prix Bayeux, l’exposition « Albert Londres et l’image » propose ainsi de découvrir cette production méconnue de l’auteur. Pour Hervé Brusini, commissaire de l’exposition et président du Prix Albert Londres**, « l’exposition invite – en ces temps de suspicion massive à l’encontre de l’information – à un voyage aux origines du journalisme contemporain. Elle vise à montrer qu’en plein essor de la presse, aux yeux du reporter Albert Londres, l’image comme le mot avaient déjà ce même objectif, cette même ambition de servir la vérité ». Déployée sur les deux niveaux de l’Hôtel du Doyen, « Albert Londres et l’image » revient chronologiquement sur le parcours du reporter, ses enquêtes, ses ouvrages, sa mort tragique et suspecte. À l’appui de nombreux objets – parmi lesquels des originaux du journal L’Excelsior – la présentation fait le parallèle entre les écrits et les clichés d’Albert Londres. Des vidéos réalisées il y a plus d’un siècle, montrant le journaliste en action, ainsi que du matériel d’époque viennent illustrer les contraintes et techniques du reportage de guerre au début du XXe siècle. Une époque où le métier « veut tendre vers l’image, le temps réel, l’instantanéité, sans en avoir encore les moyens, » conclut Hervé Brusini. Une exposition inédite et essentielle, à découvrir du 3 octobre au 13 novembre à l’Hôtel du Doyen.

* L’auteur sera présent au salon du livre le 8 octobre pour y présenter son ouvrage.
** Le Prix Albert Londres, créé par la fille du reporter en 1933, 18 mois après son décès, continue aujourd’hui, comme le Prix Bayeux, à récompenser chaque année les meilleurs reportages.