Pour sa 30e édition et à l’aube du 80e anniversaire du Débarquement, le Prix Bayeux propose une exposition exceptionnelle autour des correspondants de guerre de la Bataille de Normandie. « L’autre Débarquement » offre un regard inédit sur le plus grand conflit du XXe siècle : celui de celles et ceux qui, pour rien au monde, n’auraient laissé leur place de témoins historiques. Pascal Vannier, auteur et journaliste bien connu en Normandie pour avoir exercé à la Presse de la Manche et sur France 3, est commissaire de cette exposition inédite. Entretien.

Le correspondant de guerre Charles Lynch s'entretient avec le tirailleur Albert Jesson pendant l'attaque de l'aéroport allemand de Carpiquet. 4/07/1944, Carpiquet © Michael M. Dean / Library and Archives Canada

Pourquoi une exposition sur les correspondants de guerre en Normandie ?

« Si le sujet avait déjà été traité, il ne l’avait jamais été dans sa globalité. Ici, toutes les nationalités, tous les médias sont explorés. Évidemment, la vision anglo-saxonne est prépondérante mais l’on découvrira de nouvelles facettes du traitement médiatique international de cette page d’Histoire. Nous avons tous déjà vu, lu, entendu des reportages réalisés en Normandie en 1944, mais qui sont les correspondants derrière ceux-ci ? Comment les ont-ils réalisés ? Pourquoi ? L’exposition « L’autre Débarquement : les correspondants de guerre en Normandie » est non seulement une grande revue de presse des événements qui ont marqué à tout jamais la région, mais également une mise en lumière du travail des reporters qui ont offert au monde une mémoire indélébile. »

On connaît Capa, Hemingway, Pyle… Quels autres noms retrouvera-t-on dans l’exposition ?

« L’exposition reviendra sur ces grands noms du reportage de guerre mais également sur les destins de journalistes anonymes ayant tout fait pour rejoindre la presse civile. Bert Brandt qui ne faisait confiance à personne et ralliait l’Angleterre en bateau-stop pour amener lui-même ses photos à Londres ; Herman Wall qui, touché à la jambe, ne se souciait que de sauver ses pellicules ; Rudolph Dunbar, chef d’orchestre et correspondant afro-américain qui, après la fin de la guerre, fut le premier artiste noir à diriger le Philharmonique de Berlin… Tous avaient la conviction d’aller défendre les valeurs du monde libre, aux côtés des militaires. Leurs histoires et leurs clichés oubliés seront à découvrir à Bayeux. »

Quelle sera la place des femmes ?

« Toute une partie de l’exposition leur sera consacrée. Au fur et à mesure de l’avancée de nos recherches, nous avons constaté le poids des correspondantes de guerre et le tournant qu’a constitué la Seconde Guerre mondiale pour elles. Malgré le sexisme présent dans la profession et dans les rangs armés – Montgomery les qualifiait de « nuisance inutile » – et en dépit de l’interdiction d’aller au front, elles se sont imposées par la qualité et la sensibilité de leurs reportages. Non sans conséquences… »

De quoi l’exposition sera-t-elle constituée ?

« D’images en noir et blanc et en couleur, de correspondances personnelles, de reportages radiophoniques et d’objets uniques tels ce midget – sorte de gramophone qu’utilisaient les correspondants de la BBC pour enregistrer dans les conditions du direct – ou ces pressbags qui permettaient d’acheminer les bobines jusqu’à Londres. Le Château de Vouilly, centre de presse durant l’été 1944, a l’amabilité de nous prêter la table sur laquelle Ernie Pyle travaillait. Nous aurons aussi des originaux des livres de Robert Capa ainsi que des journaux Life ou Collier’s, avec un article d’Hemingway, ou encore du magazine Signal, outil de propagande nazie. »

Trois correspondantes de guerre (Virginia Irwin du Saint Louis Post Dispatch, Marjorie Avery du Detroit Free Press et Judy Barden du New York Sun) travaillant à l'ombre d'un pommier © Archives de la Manche/conseil dép., Fonds de photographies américaines.

Le point de vue des Allemands sera donc abordé ?

« La revue de presse sera internationale et le portrait des correspondants de guerre allemands ne sera pas éclipsé. Qui étaient-ils ? Quelles étaient leurs relations avec le parti nazi ? Comment le 6 juin a-t-il été traité dans la presse allemande ? Grâce au soutien de l’ECPAD* d’Ivry-sur-Seine, nous avons retrouvé des photos exceptionnelles réalisées par les Allemands. Ce sont des clichés qu’on connait peu voire pas du tout de la Bataille de Normandie. »

« L’autre Débarquement : les correspondants de guerre en Normandie », exposition à découvrir du 9 octobre au 12 novembre 2023 à l’Hôtel du Doyen.

* Établissement de Communication et de Production Audiovisuelle de la Défense