La journaliste anglo-américaine Clarissa Ward, 44 ans, a accepté l’invitation du Prix Bayeux Calvados-Normandie des correspondants de guerre : la star de CNN endossera en octobre prochain le costume de Présidente du jury international de la 31e édition de l’événement. Un « honneur » et une « grande responsabilité » pour l’une des plus jeunes présidentes de l’histoire du Prix Bayeux.
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En décembre dernier, Clarissa Ward devenait la première et seule journaliste d’Occident à entrer dans Gaza sans autorisation et escorte de l’armée israélienne. Un tour de force qui est venu asseoir, s’il le fallait encore, l’aura et la notoriété de cette journaliste polyglotte et déjà primée par neuf Emmy, trois DuPonts et deux Peabodys Awards.
La naissance d’une vocation
Pour Clarissa Ward, tout commence en 2001. Le 11 septembre exactement. Alors qu’elle entame sa dernière année à l’Université de Yale, la jeune étudiante en littérature française, italienne et russe – qui ne se destine alors pas du tout à une carrière dans le journalisme – est profondément marquée par l’attaque du World Trade Center. Plus qu’un traumatisme, c’est une « véritable vocation » qu’elle ressent au plus profond d’elle-même. « Je voulais comprendre comment cela avait pu arriver. Il me semblait qu’une mauvaise communication, une incompréhension entre deux mondes, étaient des éléments de réponse. Être le trait d’union entre deux parties, deux points de vue, est alors devenu une obsession. » À l’écoute de sa vocation, Clarissa termine ses études, obtient son diplôme en littérature et débute sa carrière de reporter.
Une ascension fulgurante
D’abord assistante au service d’édition de nuit de FOX News, Clarissa intègre rapidement ABC puis CBS News. Pour ces grands médias américains, elle est successivement basée à Moscou, Pékin, Londres et foule de nombreux terrains de guerre. Parmi eux, la Syrie lui offre son premier coup d’éclat et une renommée internationale : là-bas, elle réalise une interview de deux combattants occidentaux partis faire le djihad et devient la seule journaliste d’Occident à avoir interviewé un djihadiste de nationalité américaine. En 2015, elle rejoint CNN et accède trois ans plus tard au poste de correspondante internationale en chef, succédant ainsi à Christiane Amanpour. En 2021, elle est en Afghanistan lorsque les Talibans reprennent le pouvoir. En 2022, elle couvre l’invasion russe en Ukraine. À chaque fois, ses reportages de familles en détresse percutent l’opinion. Animée d’une « insatiable curiosité », Clarissa Ward poursuit ainsi la mission qu’elle s’est fixée il y a plus de vingt ans : « mettre en lumière la vie de citoyens ordinaires pris dans des situations extraordinaires ».
De la sensibilité
Et des citoyens ordinaires, Clarissa en a croisés. Beaucoup. Énormément. Tellement qu’elle décide d’en faire un livre. Son ouvrage On All Fronts: the Education of a Journalist, sorti en 2020, lui permet de « partager tous ces moments, tous ces actes de générosité, de résilience, de courage, de bonté et d’altruisme qui ne trouvaient par leur place en première page des journaux mais méritaient d’être racontés ». Ce livre, Clarissa le décrit comme « un mémoire » rédigé aussi pour ses enfants. Mère de trois jeunes garçons – « un deuxième travail à temps plein ! » – la journaliste est convaincue que son travail contribue à faire de ses enfants « de meilleurs citoyens, de meilleurs êtres humains, ouverts sur le monde et son fonctionnement ». Elle explique parallèlement qu’eux-mêmes « ont fait d’elle une meilleure journaliste, dotée d’encore plus de compassion et d’un regard différent sur l’actualité ». Celle qui a vu le pire de ce dont est capable l’humanité garde espoir. « J’ai vu le pire mais également le meilleur. »
Un nouveau rôle
Habituée à « aller où l’actualité [la] mène », Clarissa Ward fera exception en octobre prochain en s’arrêtant quelques jours à Bayeux. Un temps inédit, unique, qu’elle voit comme « une opportunité de se plonger dans le meilleur du journalisme ». Honorée de prendre part aux délibérations « de l’un des prix les plus prestigieux et respectés du reportage de guerre », la correspondante internationale est également consciente de la responsabilité qui lui est confiée. « Animer les débats, départager les reportages n’est pas une tâche facile. Comment juger la qualité d’un reportage ? Jugeons-nous le courage ? L’impact ? La manière de raconter ? L’actualité traitée ? Nous n’avons pas souvent l’occasion de nous interrompre pour prendre du recul et nous questionner sur notre métier. Je suis certaine que les débats seront très riches – les journalistes adorent débattre ! »
Dans les pas de Christiane Amanpour
Liées par leurs origines (elles sont toutes deux nées à Londres), leur poste chez CNN, Clarissa Ward et Christiane Amanpour partageront bientôt un autre point commun : celui d’avoir présidé les travaux du jury du Prix Bayeux. En 2018, la petite ville du Calvados accueillait la vedette des programmes d’information de la chaîne américaine. En 2024, elle réitère avec Clarissa Ward.
Clarissa Ward en quelques dates
1980 — Naissance à Londres
2002 — Graduate Yale University with BA in comparative literature
2002 — CNN Moscou stagiaire
2003 — FOX News Mission de nuit
2005 — S’installe à Beyrouth et commence à travailler comme freelance (Bagdad, Beyrouth et Moyen-Orient)
2007 — ABC Correspondante à Moscou
2009 — ABC Correspondante à Pékin
2011 — CBS Correspondante basée à Londres, couvrant principalement la guerre syrienne
2011 — Peabody Award pour son travail lors du soulèvement en Syrie
2013 — duPont Columbia Award pour son travail en Syrie pour CBS News
2014 — Murrow Award for International Reporting 2015 de l’Université d’État de Washington
2015 — Rejoint CNN
2016 — Peabody Award pour le reportage CNN: ISIS in Iraq and Syria, Undercover in Syria, Battle for Mosul
2016 — David Kaplan Award pour Undercover in Syria
2016 — Excellence in International Reporting Award du Centre international de journalistes
2018 — Nommée correspondante international en chef de CNN
2019 — Reporter de l’année pour l’Alliance pour les femmes dans les médias (AWM)
2020 — Sortie du livre « On All Fronts: the Education of a Journalist »
2020 — duPont Award avec Nic Robertson pour le reportage de CNN sur l’assassinat de Jamal Khashoggi
2023 — duPont Award et Emmy pour sa couverture de la guerre en Ukraine